Du 29 juillet au 5 aout 2010

Nous avons passé un peu plus de deux jours à Potosi (4070 mètres d’altitude) où il régnait une atmosphère bien particulière. Un début de grève et des barrages routiers à l’extérieur de la ville la rendaient très calme et bizarrement vide de ses habitants. Mais pourquoi des grèves à Potosi ?

C’est une des villes les plus hautes du monde, construite au pied du Cerro Rico (« Montagne riche »), une montagne de minerai d’argent qui domine la ville de ses 4 824 m. Potosi était donc aussi célèbre que Londres et Paris au 17ème siècle et c’était la ville la plus peuplée du monde. Mais voici tout le problème : l’Europe s’est énormément enrichie grâce aux richesses accumulées par l’état espagnol et l’argent extrait de la montagne dans des quantités colossales alimentait les caisses de la couronne espagnole au détriment de la production locale. Il parait qu’on aurait pu construire une double voix de Potosi à Madrid en argent avec tout ce qui a été extrait depuis le 17ème siècle ! Les seuls témoins de cette richesse passée sont les églises et les couvents datant du 17ème et 18ème siècle financés par les riches exploitants pour laver leurs péchés. Les habitants n’ont absolument pas bénéficié des ressources minières et les mineurs travaillaient dans des conditions absolument atroces et inhumaines. On sent encore une grande colère et les habitants (pour la plupart mineurs ou anciens mineurs) n’ont pas encore eu gain de cause. Potosi est donc sujette à des soulèvements sociaux à cause de ce passé mais aussi du fait de sa situation géographique stratégique : les grands axes menant au Sud et au Nord du pays passent par Potosi, ce qui est un autre moyen de pression et les routes sont donc régulièrement bloquées. Cette fois-ci il y avait une grève générale pour de multiples raisons dont la dispute d’une mine d’or entre la province de Potosi et d’Oruro. Aujourd’hui Potosi ne produit plus d’argent mais de l’étain, les mines ne sont plus rentables et sont menacées.

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La visite de la ville s’est donc limitée au couvent de Santa Teresa qui a été construit par deux riches couples espagnols (grâce à l’argent des mines, on ne le répétera jamais assez !) à la fin du 17ème siècle. Les riches de l’époque y envoyaient leur fille cadette à l’âge de 15 ans (afin de laver leurs péchés et d’avoir bonne conscience dixit la guide). Et elle n’en sortait jamais de leur vie, une vraie prison. Aujourd’hui il ne reste qu’une dizaine de sœurs (qui choisissent d’entrer au couvent après une période d’essai de trois mois) et depuis 1974 elles ont le droit de sortir du couvent pour aller au marché et chez le docteur. A l’époque, cela coutait 2000 pièces d’or (une vraie fortune) pour envoyer une jeune fille. C’était le couvent le plus prestigieux d’Amérique du Sud et quand on connait la ferveur catholique de ce continent, on peut imaginer son importance. Le bâtiment en lui-même est éblouissant de richesses avec ses nombreuses œuvres d’art et ses deux cloitres pleins de cactus et de plantes médicinales.

A notre plus grand regret et à cause des grèves, nous n’avons pas pu visiter la Casa National De Moneda où on frappait les pièces de monnaie, symbole de l’activité de la ville. Nous avons donc beaucoup déambulé dans la ville et avons pu admirer les riches bâtisses colorées et la place centrale. C’est aussi là que nous avons dégusté des jus d’orange pressés par de gentils monsieurs pour la modique somme de 30 bolivianos (0,30 euro). Harry, Magali et Gilles sont aussi allés visiter les mines (Hannah ne se sentait pas d’y aller et ne le regrette pas !). C’était une expérience marquante tant les couloirs étaient exigus et il était difficile d’y respirer. Difficile d’imaginer que des mineurs y travaillent 24 heures sans interruption en mâchant des feuilles de coca et buvant de l’alcool (à 96%). Harry et Gilles sont descendus à 70 mètres en dessous de la terre, c’était assez effrayant de voir comment les mineurs y travaillent et c’était surtout étouffant.

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On n’oubliera pas le repas de midi que nous avons pris dans un des rares restaurants ouverts dans la ville (quand il y a grève, personne ne semble avoir le droit de travailler et il y a des milices qui contrôlent tout ce qui se passe en ville, même le marche central était fermé !) avec portes et volets fermés, comme des clandestins. Nous avons aussi assisté à une manifestation qui se déroulait dans le calme. On nous avait prévenus que la route pour Sucre était bloquée juste en périphérie de Potosi. Nous avons donc pris un taxi jusqu’à rencontrer un barrage de pierres sur la route que nous avons traversé à pied et nous avons eu la chance de trouver un bus en partance pour Sucre de l’autre coté.

Trois heures plus tard nous étions à Sucre à seulement 2800m d’altitude ! Nous nous sommes installés dans notre superbe auberge La Dolce Vita (avec salle de bain privée, ca faisait si longtemps !) tenue par un couple suisse. Dans l’après-midi, nous avons visité le Museo de Arte Indigena qui présente l’histoire du tissu dans la région de Sucre. Le textile revêt une grande importance pour toutes les ethnies des alentours de Sucre. Chacune tisse des motifs spécifiques à leurs croyances et manières de vivre. C’était une excellente introduction à la journée suivante puisque nous avions mis le cap sur le village de Tarabuco (à 70 kilomètres de Sucre), très connu pour son marché dominical où les ethnies des environs se rendent pour vendre leurs tissus. Certains hommes portent la Mantera en cuir noir qui rappelle les casques en fer des conquistadores espagnols, très typique ! Au programme, achat de tissus, encore et encore…

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Sucre, c’était aussi les apéros dans le patio de l’auberge et des discussions sur le voyage et d’autres choses de la vie, avec une partie d’Uno pour ponctuer le tout de temps en temps. Mais dès le troisième jour, Gilles est tombé malade (surement à cause de la viande mangée la veille au marché de Tarabuco) et a gardé le lit pendant trois jours. C’est donc à trois que le reste du groupe a visité la ville et a surtout passé du temps au restaurant de l’Alliance Française de Sucre où il était agréable de manger et d’utiliser le wifi !
Sucre, capitale administrative de la Bolivie porte les traces d’une ville très riche dans le temps avec ses magnifiques bâtiments blancs de style colonial et ses églises à chaque coin de rue (d’accord on exagère un peu… mais il y en avait beaucoup).

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Enfin Sucre c’était le questionnement… allions-nous pouvoir quitter la ville en direction de Potosi puis la frontière à Villazon ? La réponse était négative, le mouvement s’étant fortement amplifié. Nous avons du prendre un vol pour la ville de Yacuiba, ville frontières avec l’Argentine mais plus à l’Est que Villazon. Nous avons donc quitté Sucre un beau jeudi matin et nous avons dit au-revoir à Magali et Harry avec qui nous avons pris beaucoup de plaisir à voyager pendant plus de quinze jours. Nous étions quelques touristes dans l’avion dont un couple français et un couple belge avec qui nous avons sympathisé. Une fois a Yacuiba, un homme nous a gentiment proposé de nous amener à la frontière dans son pick-up flambant neuf, nous avons donc chargé les six sacs à dos ainsi que deux membres du groupe à l’arrière du véhicule. Yacuiba est connue pour son trafic de cocaïne et il y a donc très peu de touristes qui passent par là. Et le gentil monsieur a eu le temps de nous raconter que nous étions en train de traverser une « zone rouge » où tout touriste blanc qui s’y aventure est certain de se faire dépouiller. Rassurant. Nous n’étions pas tout à fait surs de pouvoir faire confiance à notre chauffeur, surtout quand il a emprunté un chemin de terre qui paraissait sans issue mais il a tourné à droite et nous avons été rassurés de retrouver la civilisation et le poste de frontière qui se profilait au bout de la rue. Tout s’est très bien passé et il a même refusé l’argent que nous lui proposions pour le dédommager pour l’essence. Dernier conseil de sa part : faire attention aux douaniers qui fouillent les sacs et qui empochent au passage l’argent qui s’y trouve dedans. Message reçu mais encore une fois pas spécialement rassurant. Tous les six, nous avons donc longé une rue qui grouillait de monde et de voitures qui faisaient la queue pour traverser la frontière. Gilles a noté que les gens avaient un regard noir et assez malveillant, Hannah s’est contentée de fixer le poste de frontière bolivien, histoire de ne pas avoir peur. Aucun problème pour quitter la Bolivie, nous avons obtenu notre tampon en deux minutes. Coté argentin, les gardes-frontière ont joué à cache-cache avec nous (ils étaient derrière une vitre teintée noire qu’ils laissaient fermée) mais on a fini par les trouver et après cinq minutes d’attente nous avions notre tampon. Nous avons fait scanner nos sacs, aucun problème. Et nous avons même réussi à prendre un taxi pour le terminal de bus au tarif local. Une demi-heure plus tard, nous montions à bord de notre bus pour Salta, tout s’était bien enchainé ! Sauf que nous avons dit « ouf » trop tôt. Cinq minutes après le départ, nous avons dû descendre du bus à un check-point (heureusement nous n’étions que six dans le bus !), récupérer nos sacs dans la soute et les faire vérifier par un douanier. Il y avait un bus plein de monde devant nous et après un peu d’attente, nous avons pu regagner notre bus (Et Hannah a eu le temps de louer les mérites de la viande rouge argentine à un douanier qui demandait si nous aimions l’Argentine). Heureusement les douaniers n’ont pas fouillé nos sacs en détail (on se voyait mal les défaire et les refaire vu le temps que ca prend…. Ce n’est pas pareil qu’avec une valise !). Le chauffeur du bus nous a dit qu’il y avait quatre check-points, on a cru à une blague. Une fois dans le bus, on a commencé a se détendre sauf qu’il y avait un nouveau check-point cinq minutes plus tard ! Nous étions légèrement énervés. Même scénario que précédemment sauf que cette fois-ci un douanier a pris un couteau pour découper la doublure de la valise d’un local (Bolivien ? Argentin ?), c’est dire…. Le vieux douanier qui a vérifié nos sacs nous a juste demandé s’il y avait des vêtements à l’intérieur, ce à quoi nous avons répondu « oui » et il n’a pas été plus loin. Nous avons réalisé que les quatre check-points n’étaient pas du tout une blague, mais il s’agissait la de la dernière vérification à notre plus grand soulagement. Nous sommes finalement arrivés à Salta à minuit passé, complètement lessivés (Gilles était toujours malade), et nous avons trouvé une chambre dans l’auberge dans laquelle nous étions restés avant de partir pour le Bolivie. Autant dire que nous étions très heureux et soulagés d’être de retour en Argentine et d’avoir réussi à quitter la Bolivie !

PS: en Bolivie, nous avons pensé bien fort à Sylvain et Olivera et on s’est réjoui de la naissance de bébé Milan le 1er aout!

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